LETTRE DE SAINT PETERSBOURG (71)

(d’ Helsinki à Saint Petersbourg)

du Mercredi 6 Juillet au Vendredi 15 Juillet 2016

Le feu de cheminée allumé en notre honneur crépite dans le confortable salon du yacht club (HSS) d’Helsinki. Le Commodore très sympathique, mince et à l’allure sportive, ancien des régates olympiques en Finn et de la Withbread du temps de Tabarly, nous accueille avec simplicité et délicatesse. Autour d’un verre de vin blanc sorti de sa réserve (en Finlande la consommation d’alcool est très encadrée et ici, par exemple, on ne peut consommer que l’alcool que l’on y apporte) nous devisons d’activités nautiques d’une manière fort agréable.

Le Yacht Club est installé sur une petite île protégeant un plan d’eau très abrité. L’équipage de Balthazar y fait une escale de deux jours tranquille, au milieu de troupeaux d’oies bernaches, à une encâblure des beaux quartiers Sud de la capitale finlandaise. Une sorte de mini ferry boat, géré par le club, facilite nos allées et venues. De belles avenues et des parcs quadrillent une ville cossue et propre sans être spécialement belle. Les immeubles du XIXième siècle ou, pour quelques uns, plus anciens, sont imposants. Certains évoquent le style stalinien. Une cathédrale énorme et ostentatoire domine la ville au sommet d’un escalier gigantesque. Malgré cela l’intérieur est austère comme il sied à un temple protestant. Mais notre séjour est surtout marqué par les demi-finales haletantes de l’Euro France-Allemagne et Pays de Galles- Portugal. Vive les Bleus qui battent l’Allemagne, ce qu’ils n’avaient pas réussi à faire en compétition depuis longtemps. Le jeu élégant et le doublé de Griezmann lui permettent d’y gagner le surnom de Grizou (pour les non initiés en mémoire de Zizou, notre fameux Zidane).

Vendredi 8 Juillet 4h30, à larguer les amarres par un temps couvert et frais. Un ciel bas et la pluie par moments nous accompagnent dans une longue navigation vers l’Est à travers des myriades d’îles, d’ilôts et d’écueils. La voile et le moteur alternent après un incident qui aurait pu être délicat à régler par grand frais. Au premier enroulement du génois l’enrouleur se bloque presque dès le début de la manœuvre laissant le grand génois immobilisé presque totalement déroulé. Faute stupide : au yacht club, pour faciliter les embarquements et débarquements par la delphinière, tout à l’avant, nous avions relâché le bout (la drosse) de l’enrouleur qui gênait le passage au balcon avant et écarté ce bout en le faisant passer derrière le volant du frein du guindeau. L’oubli de la remise en ordre avant l’appareillage est immédiatement sanctionné : à l’enroulement le bout n’étant plus du tout perpendiculaire au tambour comme il se doit pour faire de jolies spires régulières mais tirant vers le bas s’était enroulé en sortant du tambour pour le bloquer. Il nous faudra sortir toute la drosse une dizaine de fois pour défaire les tours mordus et autant pour la remettre correctement en place ce qui est fait sans difficultés par ce petit temps.

Vers 15h et après avoir parcouru près de 76 milles Balthazar embouque une passe étroite entre de toutes petites îles boisées et l’île principale d’Haapasaari. Celle-ci est le dernier endroit le plus à l’Est de la côte finlandaise, à quelques milles de la frontière russe, où nous pouvons faire les formalités de sortie de l’Union européenne indispensables avant d’entrer en Russie (entre les différents pays faisant partie de la convention de Schengen nous ne faisons ni entrée ni sortie, et ne subissons aucun contrôle, quelle liberté ! On se sent chez soi avec le drapeau européen hissé dans chaque marina ou bâtiment public important. Vive l’Europe !).

A l’entrée de la passe sur bâbord un quai protégeant un petit bassin dans lequel sont mouillés un petit navire garde-côtes et quelques petites embarcations est réservé à la police des frontières et à la Douane. C’est là que nous accosterons demain en fin d’après-midi pour faire les formalités de départ pour la Russie.

Du plan d’eau abrité sur lequel nous avançons lentement dérive relevée un passage très étroit sur bâbord, large de 7 à 8 mètres max, taillé dans le granite, donne accès à un délicieux petit lac entouré de pins et de bouleaux sur lequel nagent des cygnes ainsi que, au voisinage des roseaux, des canes escortées de leurs canetons. A travers les frondaisons quelques maisons, rouges bien sûr, apparaissent. Quelques unes ont leur petit hangar à bateau à leur pied. Le temps s’est levé et c’est dans une lumière magnifique que nous accostons un petit ponton en bois dans ce lieu privilégié.

L’arrivée d’un gros voilier dans ce jardin secret n’est manifestement pas fréquente, avec un pavillon français encore moins. Quelques minutes après deux ou trois personnes viennent nous accueillir et bavarder sur le ponton. L’un est un instituteur en retraite enjoué et plein d’humour. Le lendemain il nous fera visiter son coin de Paradis ; un petit chemin au milieu des arbres nous conduit à une maison relativement grande, héritée de ses parents, qu’il a donné à ses enfants. Lui s’est construit à côté d’elle sa tanière de solitaire : petite maison de bois bien isolée comportant une pièce unique faisant séjour, cuisine et chambre, chauffée par un poêle à bois, et, dans son prolongement, un confortable sauna tout en bois. A l’extérieur, sur la petite esplanade dominant de quelques mètres la mer, une solide table en bois et un gros barbecue. Il y passe les mois d’été mais il y vient aussi l’hiver en voiture de Kokta, à une trentaine de km, où il réside quand la glace est bien épaisse ou en petit ferry brise glace lorsqu’elle n’est pas trop épaisse. Mais alors il faut parfois terminer à pied quand le ferry n’y arrive plus !

Les Finlandais sont des gens éduqués et soignés. Par exemple à une cinquantaine de mètres du ponton, au milieu des arbres et des fougères une construction en bois abrite des toilettes pour les quelques bateaux de passage. Fermetures et propreté impeccable ; les chaises percées sont confortables avec leur lunette et leur couvercle étanche. Par je ne sais quelle astuce il n’y a absolument aucune mauvaise odeur soit naturelle soit chimique. Seul un tuyau de ventilation bypasse le trône pour déboucher au dos de la construction en bois sous le débordement du toit. Je ne peux m’empêcher d’évoquer pour moi le souvenir du banc en bois percé, dans un petit abri assez rudimentaire proche de la maison, que nous utilisions dans les années cinquante à proximité de la maison que mes parents louaient à l’année dans le village du Bez (Hautes Alpes). Nous le tenions propre mais il nous fallait combattre la mauvaise odeur en versant régulièrement un produit du genre de celui que la SNCF répand sur les traverses des voies ferrées. En fait il en résultait deux mauvaises odeurs. Cela ne faisait pas reculer ct’Arthur, gaillard du village qui, un rien provocateur, n’hésitait pas à saucissonner avec son kil de rouge les jambes pendantes dans la fosse qu’il était chargé de curer. Plus tard, lorsque la France décida enfin de s’équiper en téléphones, promesse tenue de campagne de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, l’abri fut remplacé par une cabine téléphonique ! Avant lui, au village voisin du Serre Barbin, les gens du village devaient aller dans l’écurie de l’Ovide pour utiliser le seul téléphone disponible. Là c’était l’odeur plus sympathique tout de même du purin. C’était l’époque du 22 à Asnières. Souvenirs, souvenirs….

Nous passons là le lendemain une journée bien agréable dans ce lieu paisible et accueillant.

Samedi 9 Juillet 20h30. “Russian coast guards from Sail Yacht BALTHAZAR do you read me? Over. Yes Balthazar, switch on channel 6. Channel 6. Balthazar bound to St Petersburg with 7 persons onboard request the authorization to enter Russian waters. Yes Balthazar you are authorized to proceed”. Les russes sont chatouilleux sur leurs frontières et Vladimir nous avait bien écrit la procédure à respecter et la route précise à suivre tout en informant les gardes côtes russes de notre arrivée prochaine. A Haapasaari un finlandais a raconté à Eckard sa mésaventure incroyable ; naviguant en eaux finlandaises mais pas très loin de la frontière la rotation du vent l’avait obligé à tirer un bord pénétrant dans les eaux russes. Sans tarder un navire garde-côtes russe l’avait intercepté puis carrément abordé pour le rejeter au-dehors des eaux territoriales. Bateau sérieusement endommagé, femme traumatisée, ils en gardent tous les deux un souvenir cuisant.

Me méfiant des complications éventuelles de cet Etat resté policier j’avais pris soin avant mon départ de Paris et sur les conseils d’un membre de notre association de marins STW de me faire assister par Vladimir (Ivankiv). Ancien ingénieur habitant à St Petersbourg il arrondit et distrait sa retraite en assistant les quelques bateaux de plaisance étrangers venant visiter la ville de Pierre le Grand ou qui s’aventurent dans l’Arctique vers Mourmansk et le Nord de la Sibérie. Très réactif, efficace et fort gentil il nous a déjà bien rendu service pour obtenir les visas de l’équipage et établir les papiers nécessaires à la venue de Balthazar. Sur ses conseils Catherina, la secrétaire du club d’Helsinki m’avait gentiment photocopié en quatre exemplaires la belle liste d’équipage que j’avais tapée et imprimée à bord donnant les identités et N°s de passeport de chacun, liste que j’avais signée et décoré d’un beau tampon de SY BALTHAZAR. Dans certains pays on adore et respecte les tampons. Klaus Kroemer, ancien d’Ariane et grand navigateur m’en avait offert un beau lors du baptême de BALTHAZAR en m’expliquant qu’il me rendrait service, notamment en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Merci Klaus. En plus Catherina m’avait fait trois copies de mon passeport en tant que capitaine, trois copies de mon visa, trois copies du certificat d’immatriculation du bateau et une copie des certificats d’assurance médicale de chaque équipier(e). Munis de cette liasse de papiers accompagnant nos passeports nous nous présentons le lendemain matin à 10h (pour être sûr de ne pas manquer la finale de l’Euro de ce Dimanche soir 1O Juillet j’ai préféré en effet naviguer de nuit blanche il est vrai et arriver ici le matin pour avoir une bonne marge en cas de difficultés avec la police ou la douane) au poste de contrôle d’entrée de Fort Konstantin, sur l’île de Kronstadt.

Cette île occupe une position centrale au fond du golfe de Finlande. Les russes, dont l’accès aux mers libres est limité, ont fait de cette île une base navale. Ils ont en outre enfermée toute la grande baie de la Neva, sur des distances d’une vingtaine de milles, par un immense mur/digue ; une seule passe d’une cinquantaine de mètres permet aux nombreux cargos, porte conteneurs, paquebots de croisière, bateaux pilotes et autres navires d’y pénétrer sous le contrôle de fortifications.

A l’heure convenue nous franchissons la passe après que le contrôle du trafic russe nous ait demandé de patienter pour laisser sortir deux navires et tournons presque tout de suite sur bâbord pour accoster, au pied du fort Konstantin au quai du poste de police et douanes. Nous voyons de part et d’autre deux gigantesques bras montés sur rotule permettant de fermer la passe. Vladimir nous expliquera que cela permet dans les cas de forts vents d’Ouest de limiter la surcôte et donc les inondations auxquelles est soumise Saint Petersbourg, construite sur des marécages et recevant par la Neva toutes les eaux se déversant de l’immense lac Ladoga qui la domine. C’est le même genre de chantier auquel s’attaquent les italiens pour protéger Venise.

Comme convenu, Vladimir, ponctuel, nous y attend et prend nos amarres pour nous aider à remplir des papiers innombrables et échanger si nécessaire avec les agents russes. Il est venu là avec sa voiture en utilisant la route qui parcourt la digue Nord.

Nous lui avions donné avec un préavis d’une heure trente la confirmation de l’heure de notre arrivée, Accueil courtois des agents mais papiers supplémentaires à remplir ou à montrer, inspection minutieuse de tous les coffres du bateau, et il y en a à l’intérieur comme à l’extérieur ! Dans la soute à voiles j’ai dû même sortir le sac volumineux du spi.

Une bonne heure plus tard nous recevons le tampon sacré sur nos passeports et pouvons faire route sur St Petersbourg qui se trouve encore à 16 milles.

L’arrivée dans la ville de Pierre le Grand par la mer n’est pas très belle. On aperçoit bien au loin les dômes aux feuilles d’or rutilantes des grandes églises et la flèche de l’Amirauté mais la ville elle-même, construite en retrait sur les rives de la Neva, est cachée par le port industriel et les installations recevant les nombreux bateaux de croisière, ainsi que par des barres d’immeubles.

Depuis Kronstadt Balthazar suit des chenaux dragués qu’il faut bien respecter car l’immense baie est ensablée par les alluvions de la Neva. A embouquer le bon et dernier chenal qui nous amène à l’embouchure de la petite Neva. Un trafic incessant de puissants hydroglisseurs (les mêmes que ceux que les russes ont vendu aux grecs et qui sillonnent la mer Egée) filant 30nds nous doublent ou nous croisent dans l’étroit chenal final, pleins pots dans un nuage de fumée. Ah! les barbares. Ils transportent les touristes qui, comme nous demain, vont visiter Peterhof, la résidence d’été de Pierre le Grand.

Tout à coup, surprise, une sorte de périphérique aérien enjambe par un grand pont en construction, non porté encore sur les cartes, l’embouchure de la petite Neva où se trouve la marina recommandée par Vladimir. A vue d’œil les 25m de tirant d’air minimum requis par le mât de Balthazar n’y sont pas. Heureusement les tabliers ne se sont pas encore rejoints et laissent un étroit passage d’une dizaine de mètres. Mais l’étroit chenal dragué n’est pas centré sur l’ouverture et traverse le pont en biais. A relever vite fait à bloc la dérive pour divaguer en-dehors du chenal dans une eau couleur chocolat mais en se centrant précisément sur l’axe de l’ouverture. Gare au courant assez puissant dans ce rétreint ; Ouf, ç’est passé en haut et en bas ! les berges de la petite Neva sont accueillantes, bordées de parcs et de hautes futaies, mélange de chênes, de hêtres et de bouleaux. Derrière une petite digue arrondie des mâts nous signalent la Petrovskaya marina. Au ponton d’accueil l’infatigable Vladimir revenu en voiture nous fait signe. Nous voilà arrivés dans l’ancienne capitale des tsars, à temps pour regarder ce soir, dans un petit restaurant turc voisin de la marina, la finale de l’Euro. Hélas ! trois fois hélas ! les Bleus ne réussissent pas à concrétiser leur domination indiscutable ; les tirs s’écrasent sur les barres ou terminent dans les bras d’un goal portugais excellent. Alors il arrive ce qui arrive dans ces cas là : les portugais se ressaisissent dans le dernier quart d’heure et marquent un beau but surprise. C’est rageant d’être passé si près de la victoire finale de l’Euro 2016! Merci quand même Didier Deschamps.

J’étais déjà venu à Saint Petersbourg à deux occasions peu d’années après l’effondrement de l’URSS. La première fois en 1991, en tant que Directeur Général de MATRA ; les militaires russes cherchaient désespérément à monnayer leur savoir et leurs technologies dans le domaine des armements alors que leurs instituts et centres de recherche n’avaient plus de crédits et luttaient pour leur survie. Simultanément les gouvernements occidentaux craignaient que les ingénieurs et scientifiques russes n’aillent essaimer leurs technologies militaires dans les pays instables qui pourraient devenir dangereux et encourageaient donc des coopérations scientifiques et industrielles pour prévenir le risque de prolifération. J’ai un souvenir indélébile de ce premier voyage. Réception digne d’un chef d’Etat : tapis rouge et accueil à la descente de l’avion, convoi de grosses limousines Zim ou Zis, je ne sais plus, traversant à tombeau ouvert les avenues alors désertes et en mauvais état de St Petersbourg, réception officielle à la mairie puis chez les militaires. Mais surtout je garde la vision de cet immense hall de l’Institut militaire de St Petersbourg, là ou deux ou trois années auparavant il eut été impensable qu’un occidental pénètre ; des ingénieurs et officiers russes chargés de médailles présentaient à notre délégation sur une file interminable de grandes tables l’état des recherches ou technologies nouvelles sur lesquelles ils proposaient des cessions ou des coopérations. J’avoue avoir éprouvé un certain malaise devant cette braderie pitoyable, eux qui avaient fortement contribué à faire trembler l’Occident pendant près d’un demi-siècle durant la longue et éprouvante guerre froide. La deuxième fois, très peu de temps après j’étais revenu en hiver, accompagné d’Anne-Marie, proposer les automatismes de MATRA pour moderniser le métro. Le Maire Sobtchak nous avait fort bien reçu et était venu, sur notre invitation, faire une visite en grande pompe à Paris. Il avait des visées de conquête du Kremlin qui était à prendre. Ce fut un membre de son équipe municipale, un certain Poutine, qui l’emporta. Il neigeotait et la NEVA était gelée. En ce début des années 90 la ville était triste, les rues, les immeubles à l’exception de quelques rares bâtiments publics, les trottoirs étaient en mauvais état, des échafaudages rouillés révélaient des chantiers arrêtés depuis longtemps, les magasins étaient vides. Seul l’Ermitage et les grands monuments étaient à peu près entretenus.

Quelle métamorphose ! Je retrouve une ville animée et rayonnante, les trottoirs et chaussées impeccables, les immeubles ravalés aux couleurs pastel (il parait cependant que certaines cours intérieures laissent apercevoir des immeubles encore en mauvais état derrière leur façade ravalée), les monuments sont restaurés, les dômes des églises ont leurs bulbes recouverts de feuilles d’or rutilantes, un trafic automobile comparable à celui de nos villes avec les mêmes voitures occidentales, dont beaucoup sont de grosses cylindrées allemandes, les passages piétons sont bien marqués et contrôlés par des feux et avertissements sonores,. Une nouvelle génération plus instruite et éduquée ne vous bouscule plus en vous marchant sur les pieds dans le métro mais est plus ouverte et vous parle agréablement, tout au moins les jeunes dont beaucoup parlent anglais. Ces derniers se lèvent dans le métro pour laisser leur place assise à Anne-Marie et à moi (cela me surprend et me mets un peu mal à l’aise mais il va falloir que je m’y habitue). Les jeunes sont habillés comme chez nous, y compris avec des jeans savamment troués et déchirés et un portable a poussé dans leur main dont ils ne se séparent pas, même en mangeant ; d’ailleurs la 4G couvre parfaitement la ville et autour, et tous les bars et restaurants offrent la Wi-Fi. Ce qui est frappant est de voir dans les rues une population jeune ; beaucoup sont visiblement des étudiants. Au sein de cette population nombreuse et active on a la fausse impression que les touristes sont peu nombreux, y compris dans les cafés, restaurants ou musées fréquentés majoritairement par des russes.

Cette restauration de la ville a été accélérée et fêtée par la célébration du tricentenaire de sa fondation ex nihilo en 1703 dans les marécages de la Neva par Pierre le Grand après que celui-ci ait rejeté à la mer, lors de sa guerre du Nord, les Suédois qui occupaient cette région, donnant ainsi à la Russie un accès à la Baltique.

Chaque jour un bus puis un métro profondément enfoui sous terre, aux stations impeccables décorées de colonnades et de marbre, nous conduisent de la marina au centre ville, près de l’Amirauté et du début de la grande perspective Nevski.

Nous nous délectons sans nous lasser des cinq jours passés dans cette grande cité scientifique et industrielle chargée d’Histoire rassemblant une richesse incroyable de Palais, de musées, d’églises et de monuments.

Nous sommes éblouis et émerveillés par la splendeur et les trésors qui jalonnent son Histoire et que nous parcourons :

- les jets d’eau et fontaines du parc du Palais d’été de Peterhof

- la vue grandiose des quais et de la façade colorée du Palais d’Hiver, du vaste ensemble de l’Amirauté, des dômes et flèches des églises, vue offerte depuis les remparts de la forteresse Pierre et Paul, sur l’autre rive de la Neva. Cette forteresse dont le début de l’édification marqua la fondation de la ville (dans son journal Pierre le Grand mentionne la date du 16 Mai 1703 à laquelle une cérémonie solennelle accompagna le scellement de la première pierre) abrite en son sein les ors, les marbres et les peintures de la cathédrale St Pierre-et-Paul à l’iconostase resplendissante entourant depuis Pierre le Grand lui-même les tombeaux des Romanov et recueillant dans une chapelle séparée les restes du malheureux tsar Nicolas II, de son épouse, de ses enfants et de sa suite assassinés par les bolcheviks non loin de là, à Ekaterinbourg en 1918, restes discrètement transférés là en 1998

- l’incroyable église colorée du Sauveur « sur le sang versé » aux cinq coupoles et aux remarquables panneaux de mosaïque recouvrant tous les murs intérieurs édifiée à l’endroit précis où le tsar Alexandre II fut assassiné en Mars 1881

- le somptueux palais Mikhaïlovski abritant le Musée Russe et ses collections des chefs d’œuvre de la peinture et sculpture russe

- l’Ermitage bien sûr et ses intérieurs de parade exposant une richesse fabuleuse de peintures, de sculptures, de vases en pierres rares, de mobilier au sein de l’immense Palais d’Hiver (plus de mille pièces) et de ses extensions le Petit Ermitage et le Nouvel Ermitage.

- la cathédrale Saint Isaac, un des plus grands édifices religieux du monde, aux marbres et mosaïques somptueuses entourant une iconostase décorés de douze piliers recouverts de pierres rares, lazurite, jaspe, porphyre, malachite…..(on apprend que 400 kilos d’or furent nécessaires pour ses décorations!).

- devant la cathédrale Notre Dame de Kazan que nous n’aurons malheureusement pas le temps de visiter, entre ses vastes ailes en colonnades abritant un jardin public donnant sur la perspective Nevski, se dresse la statue du fameux maréchal Koutousov. C’est dans cette cathédrale qu’il fut béni et à travers lui son armée devant l’icône de la Vierge de Kazan avant de partir affronter Napoléon. Cette célèbre icône, quasi miraculeuse, est en effet considérée depuis le XVIIième siècle comme la protectrice de l’armée russe. C’est dans cette cathédrale que se trouve sa tombe ainsi que des trophées témoignant de ses victoires sur l’Empereur en retraite. Entrée en Russie en franchissant le Niemen le 12 Juin 1812 la Grande Armée perdit sa réputation d’invincibilité à la bataille de Borodino (de la Moskova) dès le 26 Août et le début de la retraite dès le mois d’Octobre dément la thèse selon laquelle l’armée napoléonienne fut battue par l’hiver russe. Certes le général hiver contribua fortement à transformer ensuite cette retraite en désastre.

- Les russes sont, à juste titre, très fiers de leur « Guerre Patriotique » et de leur victoire sur Napoléon. La colonne d’Alexandre érigée au milieu de l’immense et impressionnante Place du Palais célèbre en particulier la victoire d’Alexandre Ier qui entrera et défilera à Paris avec ses troupes en 1814.

Dans cette magnifique cité qui avait été rebaptisée Leningrad par les Soviets, toutes traces des terribles bombardements qu’elle subit pendant la « Grande Guerre Patriotique » comme les russes désignent la deuxième guerre mondiale, ont disparu. On sait qu’après un effroyable siège de 900 jours, de 1941 à 1943, au cours duquel des centaines de milliers d’habitants moururent de faim et de froid dans la ville encerclée, et au prix d’une résistance acharnée, les armées allemandes usées durent renoncer à s’en emparer et se retirèrent.

Le traditionnel dîner du capitaine a lieu dans un restaurant branché, La Terrassa. Dîner à l’extérieur, sous des tentes, sur la terrasse, à un étage élevé donnant directement sur la cathédrale Notre-Dame de Kazan. Bertrand nous offre en apéritif un bon Champagne accompagné de zakouskis pour fêter son anniversaire. Autour de nous sont attablés des couples de russes, jeunes, et les touristes sont une minorité.

Le point d’orgue de ce séjour est la soirée du 14 Juillet que nous fêtons au célèbre théâtre Mariinski. Nous retrouvons André, sa compagne Françoise, le guide qui l’a récemment conduit faire du ski de fond en Sibérie et sa compagne, venus passer un grand weekend à St Petersbourg. L’équipage se cotise pour offrir en cadeau d’anniversaire à Bertrand et Bénédicte des places pour voir et écouter Faust, l’opéra si réussi de Gounod. Ah ! ce Mephistophélés ! Très belles voix, orchestre magnifique. Ce fut un moment d’exception dans ce lieu où le chorégraphe Marius Petitpa exerça son grand talent et fonda de facto dans la seconde moitié du XIXième siècle l’école russe de ballet.

Des crêpes sautées à bord par le capitaine concluent cette très belle soirée tout en accueillant Claude qui est arrivé aujourd’hui en avion à temps pour les visites de l’après-midi et la soirée au théâtre Mariinski.

Vendredi 15 Juillet. 17h30. Balthazar franchit à nouveau prudemment le passage étroit entre les deux tabliers du pont qui, heureusement, n’ont pas bougé entre temps. Le ciel est noir et l’orage qui menaçait finit par éclater dans la baie de la Neva. Eclairs, trombes d’eau, on n’y voit goutte dans l’étroit chenal. Tout le monde dedans. Le capitaine en ciré sous la capote veille à ne pas se trouver en collision avec les hydroglisseurs qui sortent brutalement du rideau opaque de pluie. Heureusement l’AIS prévient de leur arrivée et permet de serrer le bord du chenal à temps. Ce très gros orage tonne et dure excessivement longtemps ; il nous accompagne près d’une heure avec ses éclairs impressionnants. Ce n’est qu’en arrivant à Kronstadt pour faire les papiers et contrôles de sortie que le temps se lève.

Adieu St Petersbourg. Nous partons les yeux remplis de tes richesses.

Aux parents et ami(e)s qui nous font la gentillesse de s’intéresser à nos aventures nautiques à travers ce carnet de voyages

Pour lire d’autres lettres de Balthazar ou voir des photos et documents visitez le site de Balthazar artimon1.free.fr

Equipage de Balthazar :

Jean-Pierre, Anne-Marie, Eckard et Nicole, Bertrand et Bénédicte, Michel (Glavany)